dimanche 30 septembre 2012

De l'esclavagisme et du sabotage chez les fourmis


Les fourmis Protomognathus americanus lancent des raids pour réduire d'autres espèces en esclavage. Celles-ci les servent docilement jusqu'à ce que, dans certains cas, elles se mettent à commettre de véritables actes de sabotage via l'exécution des nymphes des esclavagistes. Cela permet d'affaiblir leur colonie et donc de diminuer le nombre de raids dans le futur.

Si les fourmis pouvaient chanter, elles entonneraient l'Internationale et le chant des partisans. La moitié des espèces animales ont beau être des parasites, certaines poussent le bouchon un peu trop loin et leurs victimes ne se laissent plus faire. Susanne Foitzik de l'université Gutenberg de Mayence, en Allemagne, a ainsi observé dès 2009 l'existence incroyable d'esclavagisme, de révolte et de sabotage chez certaines espèces de fourmis américaines. Elle a depuis étudié le phénomène et réuni une équipe internationale dont les travaux sont publiés dans la revue Evolutionary ecology.

Les fourmis du genre Protomognathus americanus lancent régulièrement des raids sur les colonies d'autres espèces de fourmis comme les Temnothorax longispinosus. Lors de ces assauts elles tuent tous les adultes qu'elles trouvent et ramènent ensuite les œufs des vaincus dans leur propre colonie. Lorsque les captifs atteignent leur forme adulte, ils se mettent alors à s'occuper des couvées de leurs kidnappeurs et à nourrir leurs maitres. Ceux-ci ciblent tout particulièrement les espèces dont les ouvrières sont soigneuses et efficaces. Comme les esclaves sont plus petites que les esclavagistes, elles ne peuvent pas s'en prendre directement à leurs oppresseurs.

Des signaux chimiques déclenchent les attaques

Mais il y a une faille dans ce système : le moment où les petits Protomognathus americanus passent au stade de nymphe. "Il est probable qu'au début les esclaves ne comprennent pas que les larves appartiennent à une autre espèce, explique Susanne Foitzik. Les nymphes, qui ressemblent déjà à des fourmis, portent des signaux chimiques sur leur cuticule [couche protectrice] qui sont apparemment détectables. Nous avons pu montrer qu'une grande proportion des nymphes d'esclavagistes sont tuées par les ouvrières esclaves."

Les nymphes sont dépourvues de cocon et ne peuvent ni se déplacer, ni se défendre. Elles sont donc totalement à la merci des esclaves nourrices qui peuvent aisément les mettre en pièces. Alors que 95% des couvées survivent jusqu'à ce stade, seules 27% le dépassent dans les colonies de Virginie Occidentale. Ce pourcentage remonte à 49% à New-York et à 58% dans l'Ohio. Même si les attaques ne sont pas systématiques, on reste bien en dessous du taux de survie normal en absence d'esclaves qui est de 85%. Du sabotage pour aider les voisins

"Les ouvrières en esclavage ne profitent pas directement de ces meurtres car elles ne se reproduisent pas, ajoute Susanne Foitzik. Mais, grâce à l'assassinat de la progéniture des esclavagistes, leurs congénères des alentours, qui peuvent très bien être leurs sœurs, bénéficient indirectement de meilleures chances de survie. Les colonies d'esclavagistes affaiblies par ces rebellions d'esclaves croissent moins vite, ce qui mène à des raids moins fréquents et moins destructeurs."

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